Habillage bois : marier design et sécurité incendie à la maison
- Misterbricolo
- 9 juin
- 4 min de lecture

Le bois n’a jamais été aussi présent dans nos intérieurs. Une étude de CODIFAB publiée en avril 2024 montre que, dans le logement neuf, la part des murs et plafonds plaqués bois a progressé de 27 % en quatre ans, portée par la recherche d’une esthétique chaleureuse et par les objectifs régionaux de neutralité carbone fixés pour 2030. Cependant, la montée en puissance de ce matériau vivant s’accompagne d’un regain de vigilance : si le bois séduit par son côté naturel, il reste un combustible. La flambée médiatisée d’immeubles à ossature bois mal protégés rappelle que le premier défi consiste à allier créativité et prévention.
C’est précisément là qu’intervient la notion de protection au feu habillage bois, autrement dit l’ensemble des solutions (traitements retardateurs, panneaux multicouches, barrières intumescentes) qui permettent à un lambris ou à un bardage intérieur de conserver ses atouts décoratifs tout en atteignant, au minimum, la classe B-s2,d0 exigée pour les locaux d’habitation de plus de deux niveaux depuis le décret du 20 août 2024. Sans cette stratégie, l’usage massif du bois resterait cantonné aux maisons individuelles et aux hôtels de charme, freinant les ambitions écologiques des grandes métropoles.
Comprendre le cadre réglementaire : des Euroclasses aux essais grandeur nature
En Europe, la réaction au feu des matériaux est évaluée selon le système Euroclass, qui classe les produits de A1 (incombustible) à F (non classé). Le bois brut oscille entre C et D ; au-delà d’une épaisseur de 18 mm pour les résineux, il est souvent M3, c’est-à-dire « moyennement inflammable ». Pour accéder aux catégories supérieures, indispensables dans les Établissements Recevant du Public (ERP) et désormais dans le résidentiel collectif, on recourt aux traitements ignifuges : imprégnations sous pression de sels phosphatés, vernis intumescents, voire composites bois-ciment. Les laboratoires agréés – CSTB en France, SP au Danemark – pratiquent alors l’essai « SBI » (Single Burning Item) pour valider l’Euroclasse finale.
La réforme entrée en vigueur en 2024 renforce les exigences sur un point : la tenue au feu ne doit plus seulement être garantie en laboratoire, mais faire l’objet d’une Déclaration de Performance (DoP) reprenant les conditions exactes d’assemblage. En clair, un lambris classé B-s2,d0 posé sur un panneau OSB ignifugé ne conservera pas ce classement si l’entre-axe des tasseaux est modifié ou si un isolant plus combustible est ajouté. Cette précision réglementaire pousse ainsi fabricants et poseurs à collaborer plus étroitement pour assurer la continuité de la performance.

Les traitements ignifuges : chimie fine et durabilité expliquée
Le traitement en autoclave reste le plus répandu : on insère sous vide des molécules à base de phosphate d’ammonium ou de borate de zinc, qui libèrent de l’eau et du gaz inerte lorsque la température dépasse 150 °C, ralentissant la pyrolyse. Les vernis intumescents, eux, gonflent jusqu’à dix fois leur épaisseur pour former une croûte carbonée isolante. Mais ces solutions ont un coût : en 2024, le prix moyen d’une lame de pin autoclave classée B-s1,d0 a atteint 38 €/m² posé, contre 22 €/m² pour une lame brute. Les fabricants mettent donc l’accent sur la durabilité : exposée à l’humidité, une protection lessivable perd jusqu’à 15 % de son efficacité en cinq ans, d’où l’intérêt d’un entretien planifié ou de finitions oléohybrides qui encapsulent l’agent retardateur. Marché en pleine croissance : chiffres et tendances clés
Cette montée en gamme se reflète dans les statistiques. Le marché mondial du bois traité retardateur de flamme pèse aujourd’hui 0,37 milliard $ US et devrait dépasser 0,57 milliard $ US en 2033, soit un taux annuel de 5 %. Les solutions dites « modifiées » – bois acétylé ou furfurylé enrichi de nanoparticules d’argile – grimpent encore plus vite : +8,9 % par an entre 2026 et 2033. Côté cladding extérieur, le segment des parements classés A2 ou B signe la plus forte dynamique, tiré par les tours de logements hybrides qui fleurissent de Lyon Confluence à la ZAC Paris-Rive-Gauche.
Ces chiffres traduisent un double phénomène : d’une part, la pression normative liée aux incendies de façade; d’autre part, la volonté des promoteurs de conserver le cachet du bois sans renoncer à la sécurité. Les architectes intègrent de plus en plus tôt la variable « classement au feu » dans leur maquette BIM : ignifuger un platelage après la construction coûte en moyenne 3,4 fois plus cher que d’installer d’emblée un produit classé B-s1,d0, selon une enquête interne du CSTB.

Design intérieur : quand la technologie sert l’esthétique
Les traitements d’aujourd’hui n’imposent plus cette teinte légèrement blanchâtre qui trahissait autrefois l’ignifugation. Les vernis intumescents nouvelle génération restent incolores et satinés ; certains fabricants proposent même des finis « brulé-japonais » (shou-sugi-ban) classés B, grâce à un charriage contrôlé suivi d’une résine phosphatée ultrafine. Pour les lignes contemporaines, les lames en frêne thermo-modifié, finies par laser micro-rainuré, permettent de créer des jeux d’ombre très graphiques tout en conservant un classement C-s2,d0 sans ajout de vernis – un argument pour les puristes de la biodégradabilité.
Vers une esthétique responsable et sûre
Le succès du bois en architecture ne tient plus seulement à son charme ; il repose sur la capacité de la filière à démontrer qu’un matériau combustible peut être mis en œuvre avec le même niveau de maîtrise du risque que l’acier ou le béton. Les avancées réglementaires de 2024 et l’essor du marché mondial du traitement ignifuge confirment que l’alliance est possible, pourvu qu’on s’appuie sur des partenaires capables de fournir une protection au feu habillage bois éprouvée. Dès lors, l’architecte n’a plus à choisir entre style et sécurité : le bois devient un allié, non une menace, dans la quête d’un habitat à la fois sain, durable et protecteur.
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